Interview réalisée pour la revue « Santé Yoga » dans le cadre du Festival de Yoga 2012 à Paris

Carole : Swamiji, quelle est la particularité du Kriya Yoga dans le champ du Yoga ?
Swamiji : Tous les yogas s’adressent aux débutants en spiritualité. La méditation en est la partie la plus élevée. Dans le domaine spirituel, un yogi se doit obtenir la partie la plus
haute. Le Kriya Yoga commence depuis le niveau débutant et mène aux pratiques avancées, celles qui conduisent à l’état de samâdhi. Ainsi, dans la voie du Kriya Yoga, on part du jardin d’enfants et on termine à l’université. Ce qui m’a été donné de voir tout au long de ma vie, c’est que beaucoup de yogis de différentes traditions se tournent finalement vers le Kriya Yoga pour obtenir les états d’accomplissement. C’est ce que j’ai vu
aussi bien en Occident qu’en Inde.

Carole : Dans la méditation on fait référence à l’état de samâdhi. Quel est cet état qui semble inatteignable pour les gens ordinaires ? Est-ce qu’il est possible de connaître cet état avec la méditation Kriya Yoga ?

Swamiji : Parler du samâdhi est quelque chose de vraiment difficile. Pour faire court, je peux vous en donner une idée. Dans le Kriya Yoga, nous avons des techniques particulières qui concernent chaque partie de l’être, le corps et la vie.
Par exemple, en premier est notre corps physique (comprenant notamment les 5 organes des sens). En second est notre mental qui est un corps différent du corps physique.
En troisième est notre conscience, appelée chitta, accompagnée des vritti qui sont les actions du mental. En quatrième est notre souffle. En cinquième est notre vie. Et à la fin, l’âme.
Pour atteindre l’état de samâdhi, il y a différentes étapes. Il est très important pour le Kriya Yogi de les séparer les unes des autres. Par la pratique du Kriya Yoga, le Yogi doit se séparer lui-même du corps, du mental, pour entrer dans citta, de là il pourra contrôler les mouvements de la conscience (les citta vritti). Par la technique (appelée îshvara pranidhâna), le Kriya Yogi va contrôler citta, la conscience. Il peut séparer le souffle du corps, du mental et la conscience. Quand le souffle est séparé de ces différents corps, alors le Yogi peut entrer dans dhârana, la concentration, qui est l’absolue renonciation aux mouvements qui conduisent vers l’extérieur. Mais il y a encore autre chose : le souffle, la vie et l’âme. En dhârana et dhyâna (méditation) le yogi peut séparer la vie pure de la vie physique, tout comme on sépare la crème du lait. Quand la vie est séparée du souffle,
cet état est appelé dhyâna, méditation. Alors la vie s’immerge dans l’âme. Seule la vie a le droit de s’immerger dans l’âme. Rien d’autre. Puis quand l’âme entre dans hiranyagarbha (on le traduit par «matrice d’or», le lieu d’où est issue la création, NDT), alors c’est l’état de samâdhi.
S’il est très difficile d’expliquer ce samâdhi par l’intellect, il peut être réalisé par n’importe qui. Et plus facilement encore par les gens «stupides» ! (rires) Dans les Yoga Sutras de Patanjali il est dit:
«tade vârthamâtra nirbhavâsam svarûpashûnyamiva samâdhih» (Vibhûtipâda, sloka 3). Le sens est que nous devons atteindre l’état sans forme, qui est en fait notre svarupa, notre forme véritable, la pure vie lorsqu’elle se sépare du souffle. Svarupa sunyam, signifie que cette vie va s’évaporer, devenir invisible, pour s’immerger dans hiranyagarbha, dans l’âme. Cela veut dire qu’au-delà du corps, du mental, de l’intellect, de l’égo, de la conscience, de la conscience cosmique… même au-delà de la sagesse, au-delà de tout cela, il y a svarupa, la vie pure. Alors tout est terminé. Et l’état de samâdhi se manifestera.
Il est très difficile de comprendre ce que je dis. Pour quelqu’un qui médite, c’est plus facile, car ceci est la référence en matière de méditation.

Carole : Swamiji, vous êtes un moine. Est-ce que la vie spirituelle est compatible avec la vie
quotidienne, la vie familiale ?
Swamiji : N’importe qui dans ce monde, qu’il soit yogi, moine, ou une personne ordinaire, homme ou femme, peu importe. Tant qu’un être humain respire, cela est suffisant parce que le souffle est la fondation même de la méditation Kriya Yoga. Le grand maître Lahiri Mahasaya était lui-même père de famille.

Carole : Que peut apporter le Kriya Yoga aujourd’hui dans ce monde moderne ?
Swamiji : Si une personne atteint le samâdhi, et même les étapes qui précèdent le samâdhi, il demeurera un être équilibré au quotidien. Cela est particulièrement nécessaire pour la nouvelle période dans laquelle nous vivons, dans cette vie trépidante…
La pratique est une aide pour avoir la bonne attitude, pour prendre les bonnes décisions et garder son équilibre. Le Kriya Yoga peut conduire les êtres à mener une vie pure et parfaite.


Kriya Yoga Ashram de Rishikesh, 31 juillet 2012